Rêve et Psychologie Transpersonnelle

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En tant qu’expression universelle de l’Être, le rêve aborde tout le spectre de l’expérience humaine. Avec des variations créatives illimitées, les rêves ont le potentiel de mettre en lumière les aspirations les plus profondes et les luttes existentielles qui encadrent la quête spirituelle humaine. Un rêve est une expérience virtuelle quasi-physique et immersive, qui se déroule de manière narrative mais de manière indéterminée dans le temps. Son image et son ressenti sont étroitement liés aux préoccupations émotionnelles fondamentales du rêveur (Bosnak, 2007; Cartwright, 2010; Kramer, 2007), donnant à l’expérience du rêve un sentiment de réalité et de crédibilité.

La psychologie transpersonnelle complète la vision émergente du rêve proposée par la science (Lancaster, 2011). Ce point de vue affirme généralement que les changements neurophysiologiques associés aux différentes étapes du sommeil sont, dans leur diversité, essentiels pour l’apprentissage et pour le maintien de la santé physique, de l’immunité ainsi que du bien-être psychologique. Le rêve est décrit comme une expérience hallucinatoire spontanée et produite de manière endogène, connue pour se produire lorsque certaines conditions neurophysiologiques sont remplies, comme le sommeil REM (Rapid Eye Movement) – un état cérébral à haute activé, couplé à une atonie (où les muscles antigravité sont temporairement paralysés), qui se reproduit à intervalles réguliers 4 à 5 fois ou toutes les 90 à 120 minutes, chaque nuit. Les rêves nocturnes sont ainsi distinctes de l’imagerie mentale éveillée et de la rêverie, bien qu’elles puissent partager des similitudes sous la forme de pensée exposée. Les adultes, en l’absence de traumatisme cérébral affectant la production ou le rappel des rêves (Solms, 1997), seront susceptibles de se rappeler de leurs rêves s’ils sont réveillés à ce stade. Si le sommeil joue clairement un rôle réparateur, le rêve apparaît crucial pour l’intégration psychologique. Sur cette base, nous pouvons extrapoler que le rêve peut répondre à des préoccupations fondamentales qui interfèrent avec les expériences spirituelles et le développement psycho-spirituel (Bogzaran & Deslauriers, 2012).

Pour ceux qui réfléchissent à la nature transpersonnelle des expériences de rêve (par exemple, Lancaster, 2004), la description scientifique des mécanismes biologiques sous-jacents est éclairante, mais ne parvient pas à saisir la richesse des phénomènes associés au rêve. Un certain nombre d’expériences transpersonnelles connues pour se produire pendant les rêves défie encore une vision neurophysiologique du cerveau-esprit. En plus de souligner certaines de ses caractéristiques générales (Hobson, 2000), les neuroscientifiques restent perplexes devant la question du contenu des rêves: pourquoi certains rêves surviennent-ils à un moment donné de la vie d’une personne, présageant souvent des événements à venir? Qu’est-ce qui permet au rêve d’être plus sensible à la psi-experience (Krippner, Bogzaran, de Carvalho, 2002)? Quelle est la psychophysiologie des rêves extraordinaires (Bulkeley, 2011) et qu’est-ce qui explique leur potentiel de guérison?

Les expériences scientifiques ne peuvent pas facilement invoquer à la demande le type d’expériences transformatrices de vie que rapportent les rêveurs, en particulier le type de “rencontres” transpersonnelles telles que les rêves sacres, les “grands rêves”1 ou d’autres expériences non duale plus subtiles. En conséquence, les rapports de rêve recueillis en laboratoire ne reflètent pas correctement le spectre plus large des rêves et de leurs potentialités (Hunt, 1989a, 2000). En outre, on sait peu de choses sur le rôle des rêve dans le développement de la vie, car l’étude de l’impact des rêves ne couvre pas de longues périodes de la vie. Certains rêves très percutants peuvent survenir à de rares occasions au cours de la vie d’une personne, mais leur impact peut être ressenti et leur compréhension s’épanouir sur plusieurs années (Bogzaran, 2006; Knudson et Minier, 1999). À l’exception des recherches en laboratoire sur les rêves lucides (Hearne, 1978; LaBerge, 2000; Voss, Holzmann, Tuin, & Hobson, 2009, Wehrle et al., 2007) et sur le rêve et l’observation du sommeil (Mason, Alexander, Travis, Gackenbach, & Orme-Johnson, 1995), la plupart des recherches sur les rêves transpersonnels se sont appuyées sur des rapports rétrospectifs (Bogzaran, 1989; Esser, 2012) dont de nombreux rapports autobiographiques (Garfield, 1979; Gillespie, 1987; Herveyde Saint-Denis, 1867/1982; Jung, 1965; Kelzer, 1987; Sparrow, 1976; Wagonner, 2009; Womack, 2002).

Une théorie complète du rêve devrait aborder non seulement le niveau fondamental de la production de rêve (par exemple, les corrélats neuraux d’un état de conscience particulier), mais elle devrait avoir aussi une large portée: dans quelle mesure peut-elle expliquer de manière satisfaisante le large éventail d’expériences de rêve possible, pas seulement normative mais aussi les rêves courants? Afin de comprendre tout le spectre du rêve et son impact sur l’être tout entier, les neurosciences doivent s’efforcer d’être phénoménologiquement exactes. La contribution de la psychologie transpersonnelle réside en partie dans l’exhaustivité de la gamme phénoménologique des expériences de rêve qu’elle considère.

Le paradoxe du rêve comme état de conscience

Il est généralement admis que l’éveil, le rêve et le sommeil représentent des états discrets de conscience. Cependant, la frontière séparant les états de rêve de l’état de veille n’est pas tres claire. Paradoxalement, la plupart des premiers rêves REM sont oubliés avant le réveil, ne laissant aucune trace dans la mémoire. Pour cette raison, le statut de rêve en tant qu’état de conscience a posé un réel problème (Hobson, 2009). De l’autre extrémité du spectre, les rêves intenses (comme les cauchemars) peuvent prendre un caractère indélébile. Ces rêves ont tendance à se répandre dans l’éveil, laissant une forte impression et sont donc plus facilement consignés dans la mémoire. Pour la plupart des rêves, cependant, le processus de rappel peut exiger une attention volontaire, car il faut apprendre à naviguer dans les eaux où le rêve et le réveil se rejoignent dans l’étape hypnopompique (éveil du sommeil). Le souvenir d’un rêve a tendance à être plus facile quand nous commençons à porter une plus grande attention a celui-ci (en commençant par les fragments). Une solution consiste aussi ce remémorer ce rêve dans sa mémoire, c’est un moyen d’ancrer le rêve dans celle-ci avant de l’écrire.

La frontière entre les rêves et l’auto-réflexion de la conscience (normalement associée au réveil ) peut également être explorée dans le rêve lui-même. Des que le rêveur a réussi a mémoriser ses rêves, il peut apprendre à contrôler leur etats, et ainsi atteindre une lucidité totale de ses rêves, c’est-à-dire être pleinement conscient, pendant le rêve, que l’on rêve. Le rêve et ca remémoration sont sujets au développement, dans le cadre d’une capacité plus globale, à effectuer des transactions entre les états de conscience. Rêver, en particulier le rêve lucide, devient plus qu’une expérience, mais aussi une réalisation, que les rêveurs peuvent choisir d’affiner tout au long de leur vie.

Auto-organisation, auto-référence et épanouissement du développement

Les auteurs à orientation transpersonnelle (par exemple, Bogzaran, 1991; Cortright, 2007; Wilber, 2000) ont tendance à voir le rêve comme un état de conscience naturellement altéré qui interagit avec la trajectoire de développement psycho-spirituel en cours du rêveur. Être capable d’articuler son expérience dialectiquement2, telle vue et comprise à chaque état du rêveur (se voir rêver a partir d’un état de veille, et vice-versa) est un élément central de l’intelligence spirituelle (Deslauriers, 2000), caractérisant une étape post-conventionnelle du développement humain (Van den Daele, 1992).

Les rêves peuvent être un terrain d’entraînement facilement accessible a l’attention et a la sensibilisation dans le contexte d’une pratique méditative plus large (Gordon, 2006) Cela s’appuie sur le fait que la conscience dans les rêves est à la fois auto-organisatrice et auto-référentielle. Les systèmes naturels auto-organisateurs sont ceux qui sont structurés par leurs propres processus internes. L’auto-organisation conduit à l’émergence spontanée de l’ordre sans l’imposition directe d’instructions ou de règles extérieures. Par exemple, dans le monde des insectes, une colonie de fourmis est un système complexe et auto-organisé. Pour Lewis (2000), «le développement humain n’est qu’un exemple de la tendance universelle à la cohérence d’ordre supérieur» (p. 36). L’auto-organisation permet l’émergence de la nouveauté et aide à expliquer comment, sans prédétermination, ces formes nouvelles deviennent de plus en plus complexes. L’auto-organisation dans les rêves est capturée au début des rêves. Les rêves se produisent d’eux-mêmes, lorsque le « cerveau rêveur se « détend » dans un modèle naturel » » (Combs et Krippner, 2009, p. 49). Bien qu’il n’y ait personne en «charge» pendant le rêve, le cerveau du rêveur très actif forme des modèles d’expérience qui sont organisés autour des humeurs persistante et des préoccupations de la vie éveillée. Ces derniers jouent le rôle d ‘«attracteurs» dans le processus d’auto-organisation. «Une telle fluidité … [sert à] élargir les «attracteurs» à travers lesquels l’activité cérébrale circule, permettant effectivement d’établir des connexions plus faciles entre les sentiments, les souvenirs et les productions de l’imagination» (Combs & Krippner, 2009, p. 49-50). Si le rêve est l’expression d’un système auto-organisateur, la question se pose de savoir dans quelle mesure les préoccupations psycho-spirituelles servent de bassin d’attracteurs propres, interagissant dans le cadre des autres attracteurs nommés ci-dessus. Tout aussi conceptuel que la résolution de problèmes, les rêves ont tendance à se produire après une pratique et une réflexion ciblées. On peut se demander si le concept spirituelle dans les rêves est une percée qui fait suite à une pratique prolongée pendant l’éveil.

L’auto-référence, pour sa part, influe sur une direction particulière de l’auto-organisation: les états de soi se reflètent dans l’imagerie onirique (Rossi, 1985). Les rêves ne se construisent pas seulement à partir d’expériences et de souvenirs, mais un aspect notable du rêve est la présence d’un soi virtuel, un «ego onirique» autour duquel se déroule le récit du rêve. L’expérience du rêve est donc différente de celle de «regarder un film» réalisé par quelqu’un d’autre. On peut imaginer un environnement virtuel immersif qui est créé par les visionneurs du reve au fur et à mesure que celui-ci se déroule. Cette nature immersive confère à l’expérience de rêve une qualité anoétique3 et Soi-validant, similaire à celle attribuée aux expériences mystiques par William James (1902).

S’il est vrai que le rêve est un miroir de soi, un rendu plus immédiat de cette vérité est le rêve lucide. Pour le soi, cultiver les compétences et la capacité de se réveiller avec des images créées par lui-même et d’interagir avec elles apporte de nouveaux choix et de nouvelles perspectives. L’auto-enquête et l’auto-transformation semblent s’accroître à travers l’acte de réflexion dans les rêves lucides (Hunt, 2000). Si le rêveur peut se reposer en toute sécurité en sachant que l’expérience du rêve est finalement évanescente, transitoire et se produit dans les limites de l’esprit rêveur, des émotions telles que la peur et l’anxiété peuvent être reconnues, diffusées et même transformées (Wallace, 2012). Le rêve peut devenir le terrain d’entraînement pour l’épanouissement personnel: acceptation de soi , abandon sain de l’inconnu et développement d’un témoignage de clarté et d’un engagement impartial avec le monde imaginaire. Alternativement, un rêveur lucide peut expérimenter les capacités, les limites et éventuellement le laisser-aller du «Moi-Ego».

Dans la mesure où les rêves présentent un large éventail d’expériences transformatrices, on pourrait supposer que le rêve est un candidat primordial dans la manière dont l’expérience transpersonnelle prend forme, reconnue ou incarnée (bien que sous forme virtuelle). En raison de sa nature immersive virtuelle, le rêve peut fournir un sens clair de «ce que c’est» de vivre à cœur ouvert, de goûter à l’unité, de toucher le plénum du vide ou d’être initié à un sentiment d’être multidimensionnel ou d’etre entoure de lumière (Bogzaran & Deslauriers, 2012). Ces expériences sacrees sont la source d’une profonde perspicacité noétique4 et en même temps, elles apportent souvent un sentiment de profonde réflexion (Corbett, 2007) et une compréhension plus profonde de l’objectif de la vie.

Une éventuelle fonction des rêves a également été liée à l’exploration de «possible Soi»(Kahan, 2011). Si en effet l’un des buts principaux du rêve est d’explorer des scénarios potentiels dans l’imagination, l’expérience des rêves pose une question d’ordre téléologique ou la cause finale associée à l’apparition spontané de ce qui apparaît, à première vue, comme une forme de sagesse illuminative. Jung (1974) a souligné à juste titre que le contact avec le sacre (pas seulement le contenu de l’image) est, en soi, une guérison (voir aussi Bogart, 2009; Corbett, 2007).

Les opinions sociales et culturelles sur les rêves peuvent affecter le développement des capacités d’auto-réflexion liées aux rêves. Les enfants développent un sens ressenti de ce qu’est le rêve, en apprenant à différencier l’expérience du rêve de la conscience de veille (Foulkes, 1999; Laurendeau et Pinard, 1962).

La complexité croissante des intrigues de rêve est également associée aux stades de développement des niveaux pré-formel et formel (Foulkes, 1999). Les stades post-formels6 du développement de l’adulte n’ont pas reçu la même attention, peut-être en l’absence de consensus sur leur nature ou sur les caractéristiques de pleine maturité du potentiel humain. Van den Daele (1992) a proposé un modèle typographique qui prend en compte la complexité du processus de pensée d’une personne, alors que le développement de l’ego et la complexité du rêve se suivent étroitement. Pour van den Daele (1992), «les rêves d’une plus grande complexité ont tendance à aborder des questions d’une plus grande généralité pour le monde intérieur, pour des intérêts sociaux objectifs ou pour une signification sociale» (p. 311).

Cependant, le développement post-formel ne se caractérise pas seulement par une réflexion plus complexe; une compréhension plus profonde peut survenir d’une intuition “non” intellectuelle qui accompagne d’autres formes d’épanouissement humain. Elle peut survenir y compris dans la profondeur ineffable5 mais paradoxale de l’auto-perception qui surgit avec une expérience de non-dualité (dans les rêves ou à l’état de veille; Gackenbach, Cranson et Alexander, 1986). Des expériences sacrees de rêve, que la littérature tibétaine appelle des «rêves de clarté» (Wangyal, 1998, p. 93), peuvent apporter une réorganisation subtile mais profonde du sens de soi (Wallace, 2012). La non-dualité dans le rêve peut sensibiliser une personne au fondement de l’être dont on n’est pas séparé et à la condition existentielle qui requiert ou accompagne une telle illumination. Par exemple, Tandan (2011) a discuté du rêve d’un complot l’obligeant à choisir entre une pilule qui l’endormirait ou une pilule qui la décapiterait. Elle a vu ce choix forcé comme emblématique des questions existentielles qui accompagnent la transformation spirituelle en embrassant la mort d’une partie égocentrique de soi.

Expérience de rêve, conscience de rêve

Alors que l’on explore le rôle du rêve dans l’épanouissement de l’humain et la réalisation de soi, il est important de comprendre comment le rêve lui-même soutient ce processus de transformation. Les catégories phénoménologiques suivantes prêtent un regard appreciable sur certaines irrégularités et particularités importantes du rêve.

Aspects sociaux et relationnels. Un examen attentif du contenu des rêves révèle que les rêveurs se retrouvent rarement seuls dans les rêves; on retrouve la présence quasi omniprésente des autres, que le rêveur soit observateur ou interagisse. Le fait que les rêves aient un fort aspect subjectif ou relationnel peut également donner un indice de leur rôle: Harmoniser l’individu dans le paysage émotionnel complexe et en constante évolution qu’exige la vie humaine (Bogzaran & Deslauriers, 2012). Cette dimension relationnelle du rêve est également à la source de ce que l’on pourrait appeler des expériences transpersonnelles horizontales. Ces expériences dans lesquelles les limites de soi sont élargies au contact des autres dans les rêves, y compris le contact spirituel avec les défunts dans les rêves intenses; avec des professeurs spirituels pour guider ou enseigner des rêves; ou dans les rêves où l’on imite un aspect d’un enseignant. Les connexions relationnelles ne se limitent pas au monde humain. De nombreux rêves peuvent exprimer les aspects d’une détresse écologique plus large, avec des scénarios de rêves présentant des catastrophes apocalyptiques ou des animaux implorant de l’aide ou donnant des leçons existentielles (Jaenke, 2010). ; L’environnement naturel est soudainement imprégné d’une force de vie illimitée. Certains rêveurs, notamment en présence de paralysie du sommeil (Cheyne, 2001; Hurd, 2011; McNally & Clancy, 2005), rencontreront des entités spirituelles, prenant souvent la forme de «présences» dont l’identité peut varier (en fonction du système de croyance des rêveurs ): présence angélique, entités extraterrestres ou êtres invisibles se faisant connaître à travers le message qu’ils transmettent au rêveur. Le ton émotionnel de ces rêves peut être assez inquiétant (Cheyne, 2001), donnant à certaines de ces expériences une qualité sombre et spirituel (Dennis, 2001; Hunt 1989b)

Temps et espace: Les rêves sont connus pour présenter de fortes variations du spectre de la conscience de l’espace-temps, par rapport au contenu plus linéaire de la conscience au réveil. En considérant les dimensions de l’espace, du temps et de la conscience, il convient de noter que les rêves se déroulent souvent à un moment différent de la vie présente de la personne éveillée, mélangeant parfois passé, présent et futur (par exemple, un être aimé décédé apparaît dans un rêve comme jeune et en bonne santé). La linéarité du temps dans les rêves n’est pas aussi nette qu’au réveil. Les rêveurs s’efforcent de raconter l’ordre réel des événements même s’il semble souvent que tout se passait «tout à la fois», ou que l’ordre des événements était peu connu et que le rêve aurait pu se produire dans n’importe quel ordre.

Le rêve est étroitement lié aux habitudes des sens qui se superposent au paysage imaginaire du rêve. La notion de distance (comme de près et de loin) peut perdre son sens. En particulier dans le rêve lucide dans lequel l’idée de visiter un lieu éloigné peut susciter sa présence direct, éliminant la distance qui sépare «ici» et «là».

Certains rêves peuvent aussi exprimer des capacités qui dépassent certaines limitations dans la vie réelle l’espace (les rêves de voler ou de respirer sous l’eau sont des exemples courants), ou les explorations de dimensions plus larges de l’espace (hyper-espace; Bogzaran, 1994, 2003). De tels rêves ont tendance à véhiculer des sensations transpersonnelles fortes: le rêveur peut se sentir exalté, mais en même temps un sentiment de calme intérieur peut l’envahir. Ces sensations se répercutent souvent au réveil. Sur le plan thématique, ces rêves apportent un sentiment de maîtrise personnelle alors que le rêveur s’installe naturellement le flot du rêve. Pour les opposer à d’autres types de rêves intenses, Kuiken et Sikora (1993) les ont appelés des rêves transcendants. Ces derniers ont conduit les rêveurs à envisager une spiritualités auparavant ignorées (par exemple, un sentiment de renouvellement personnel ou un sentiment ineffable5 de paix, d’amour ou de crainte). Certains rêves intègrent des formes de libération euphorique, un sentiment profond d’espace ou d’intemporalité dans lequel la vie imprègne toutes choses, et une atténuation de la séparation entre soi et le monde.

Forme narrative. Les rêves prennent le plus souvent la forme d’une histoire, malgré les nombreux éléments bizarres et les variations temporelles se produisant dans le rêve. Le scenario sert également de raccourci pour la perspective particulière intégrée à tout état de conscience donné. Du point de vue privilégié du rêveur, le rêve est très probablement vécu du point de vue d’un «je» qui remplace le narrateur, ou plus précisément de l’ego onirique, le moi onirique ou le corps onirique du narrateur. Les rêves peuvent avoir plusieurs perspectives à la fois – par exemple, on peut observer une scène simultanément de ses propres yeux et d’une vue à vol d’oiseau – ou à partir de niveau de reve tels qu’un rêve dans un rêve.

Perspective et conscience de soi: alors que les rêveurs ne sont pas toujours conscients de leur état de conscience inhérent (à moins que l’on ne soit lucide dans un rêve), la conscience de soi (ou métacognition) est toujours présente dans les rêves sous des formes multiples: discours de soi, orientation vers les objectifs, auto-surveillance émotionnelle, évaluation de l’efficacité du comportement de rêve et évaluation de l’action d’autrui (Kahan, 2001). Ces compétences d’auto-réflexion sont la base sur laquelle nous pouvons construire nos compétence de rêve lucide, la pleine reconnaissance, dans le rêve, du fait que l’on rêve.La qualité virtuelle mais effemere du rêve prend une importance particulière quand l’on regarde le rêve d’un point de vue ontologique. Cette qualité évanescente confère a l’etat de rêve sa qualité. Cette qualité évanescente a été appliquée de la même manière aux phénomènes de veille en se référant à leur ressemblance de rêve et au rôle de l’esprit en tant qu’appareil de construction de la réalité.

Des états altérés de conscience dans les rêves: une multiplicité d’états sont presents dans nos rêves: par exemple, la vigilance, le témoignage contemplatif, la réflexion sur soi, le l’extase mystique et même des rêves «élevés» où l’on rêve d’être sous l’influence d’une substance psychotrope(Tart, 1969 ).

L’impact des rêves: bien que le monde imaginaire des rêves disparaisse au réveil, il laisse souvent des impressions émotionnelles et mnémotechniques. Cela est particulièrement vrai dans le cas de rêves à fort impact. Suivant la nomenclature classique des grands rêves de Jung, l’historienne des religions et chercheuse en rêve Kelly Bulkeley (2011) a tenté une cartographie de base d’un rêve a fort impact. Comme on peut le voir dans son modèle, il identifie quatre catégories d’expériences de grands rêves (appelées «prototypes») selon deux axes: une axe relationnel (horizontal), exprimant la qualité du sentiment entre le rêveur et les autres personnages, et un axe élémentaire(vertical). L’axe relationnel montre des rêves oscillant entre des prototypes agressifs à une extrémité et des prototypes sexuels à l’autre. Les manifestations les plus intenses du prototype agressif sont les cauchemars: des rêves chargés négativement, imprégnés d’anxiété ou de peur, et des thèmes de rêves d’évitement du mal. Parfois, les rêves négatifs semblent avoir une forte connotation transpersonnelle liée à ce que l’on a appelé l’expérience du sacré noir. Par exemple, réfléchissant à ses propres rêves percutants en tant qu’enfant, Harry Hunt (1989a) a écrit que ces «numinosités négatives … étaient infinies, vastes et totales, malveillantes et perverses, et elles étaient très puissantes. C’étaient certainement les choses les plus puissantes que j’aie jamais connues »(n. P.). L’autre extrémité de l’axe horizontal (relationnel) décrit des rêves percutants de nature asexuée. La ligne verticale dans le modèle de Bulkeley représente un axe élémentaire, reflétant le degré auquel un rêve est caractérisé soit par une complexité et une structure croissantes (le plus haut) ou par sa fragmentation et sa décomposition (le plus bas). Les rêves reflétant ces derniers sont des rêves gravitationnels extrêmement mémorables et presque toujours désagréables tels que tomber, être paralysé, perdre ses dents ou des parties de son corps, s’écraser, être emporté par une vague, regarder les choses se désagréger. Les interprétations religieuses de cette réalité sont des images d’apocalypse et de cataclysme. Ces rêves semblent exprimer une prise de conscience de la vérité de l’entropie: la vie est une sorte de défi existentiel contre la décomposition mais à laquelle on s’abandonne à la mort. Bulkeley (2011) a placé les «rêves mystiques» à l’extrémité supérieure de l’axe, y compris les rêves qui expriment

“la capacité d’envisager la liberté transcendantale des limitations oppressives de la gravité, de l’entropie et de la mort …: rêves volants, rêves de visite, dans lesquels la présence vivante défie la finalité de la mort physique; et des rêves de guérison; … des rêves extatiques de lumière brillante, de conscience de soi lucide et d’union divine, ainsi que des rêves esthétiquement créatifs d’une beauté étonnante et d’une harmonie cosmique. (p.17)”

L’impact des rêves peut également prendre la forme de la sanctification des rêves. Percevoir les rêves comme sacrés semble augmenter la quantité de sens et de force qu’ils en retirent (Pargament et Mahoney, 2002). La recherche a également montré que ceux qui sanctifiaient leurs rêves (par exemple, les considéraient comme une manifestation de Dieu, d’un pouvoir supérieur ou comme ayant des qualités sacrées) manifestaient davantage de stress, de croissance spirituelle et d’émotion positive envers un facteur lié à leur rêve (Phillips et Pargament, 2002). Leurs étude suggère «que la spiritualité et la religion doivent être considérées dans les explorations des rêves comme une forme d’adaptation» (p.150).

Buts et fonctions du rêve à la lumière d’expériences transpersonnelles

1: Rêves pour lesquelles nous allons nous en rappeler toute notre vie. Les rêves les plus marquant.

2: Créer un dialogue

3: Selon Tulving, la mémoire procédurale est dite anoétique car elle s’exprime directement dans les comportements et l’action, sans conscience.

4: En philosophie, qui concerne la noèse, acte de pensée

5: Qu’on ne peut exprimer, dire ou exprimer par des mots

6: lie aux stades de l’age adulte

7: Connaissance personnelle d’un individu sur ses capacités et ses fonctionnements cognitifs.

 

Traduit de “Dreaming and Transpersonal Psychology” (Chap 28) , ecrit par Daniel Deslauriers (https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/9781118591277.ch28)

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